Contexte historique : l’évolution du cadre légal du cannabis au Brésil
L’histoire du cannabis au Brésil est celle d’une prohibition sans fin. Le pays fut d’ailleurs l’un des premiers à criminaliser cette plante. C’est en effet dès 1830 que le Conseil municipal de Rio de Janeiro interdit et punit l’usage du cannabis dans la ville, des mesures strictes appliquées principalement à la population d’esclaves africains.
Le Brésil devint ainsi l’un des premiers pays à pénaliser la consommation et la distribution de cannabis, début d’une tendance punitive qui a persisté jusqu’à ces dernières années. On pense que cette intransigeance résidait initialement dans la croyance selon laquelle la consommation de cannabis réduisait productivité des esclaves.
L’introduction du cannabis au Brésil remonte en effet à l’époque coloniale. Elle serait le fait autant des colonisateurs portugais que des esclaves africains qui arrivèrent avec cette plante dans leurs bagages.
Au XXe siècle, la tendance prohibitionniste se poursuivit et le Brésil usait de son influence internationale en faveur de la criminalisation du cannabis, soutenant l’interdiction de la production du cannabis au niveau mondial, le classifiant comme narcotique et restreignant son usage à des fins strictement médicales et scientifiques.
Malgré l’interdiction, l’usage du cannabis au Brésil a persisté, au gré de divers mouvements culturels. Par exemple, au XIXe siècle, sa consommation était courante tant parmi les classes supérieures de la société que parmi la grande masse de la population. Il était consommé autant à des fins médicales que récréatives.
Le cadre légal du cannabis au Brésil aujourd’hui
On imagine sans peine les vastes répercussions sociales de cette stricte prohibition, notamment pour les couches les plus vulnérables de la société. L’incarcération pour possession de petites quantités de cannabis et les problèmes qui en découlent ont conduit à l’approbation, en 2006, d’une loi visant à pénaliser la possession de petites quantités de cannabis avec des peines alternatives « plus légères » comme les travaux d’intérêt généraux, par exemple.
Hélas, lors de sa promulgation il y a près de 20 ans, cette loi n’a pas défini cet qu’elle entendait par « petites » quantités de cannabis, laissant cette appréciation à la discrétion du juge. Ce vide juridique a conduit à beaucoup de controverses, certains pointant du doigt les nombreuses injustices sociales dont se rendirent ainsi coupables la police et la justice.
Le cannabis médical au Brésil
Le cannabis à usage médical a été légalisé en 2015 au Brésil. Depuis lors, son accès est strictement réglementé par l’Agence Nationale de Surveillance Sanitaire (ANVISA).
Les consommateurs qui souhaitent acquérir des produits à base de cannabis à des fins thérapeutiques dans le pays doivent remplir les conditions suivantes :
- Détenir une ordonnance médicale et un rapport détaillé d’un médecin justifiant la nécessité du traitement.
- Être en possession d’une autorisation de l’ANVISA, qui a une validité limitée et doit être renouvelée périodiquement.
Depuis 2015, l’ANVISA a approuvé plusieurs produits à base de cannabis pour un usage médical. Ce marché a ainsi connu une croissance sans précédent, avec une augmentation de 93 % des importations de produits à base de cannabis et une acceptation croissante de du recours au cannabis médical par la société et les médecins.
Cependant, certains soulignent les difficultés d’accès aux produits à base de cannabis, lesquels sont particulièrement coûteux. De plus, les professionnels de la santé manquent de connaissances sur l’utilisation du cannabis thérapeutique. Enfin, les processus bureaucratiques constituent un obstacle constant pour ceux qui ont un besoin urgent de traitement.
La dépénalisation du cannabis au Brésil en 2024
Le mois dernier, dans un arrêt historique, la Cour suprême a approuvé la dépénalisation du cannabis à usage personnel, déclarant à la majorité que la possession de petites quantités de cannabis n’avait rien d’illicite.
Le ministre de la Cour suprême fédérale, Luís Roberto Barroso, a déclaré que, malgré cette avancée, la consommation dans les lieux publics reste interdite.
Des quantités ont également été établies pour déterminer ce qui relève de l’usage personnel (et donc ne constitue plus un délit pénal) et à partir de quelle quantité on parlerait de trafic de drogue (un délit puni de lourdes peines de prison). Après quelques débats, la quantité maximum considérée pour la possession à usage personnel a finalement été fixée à 40 grammes de cannabis.
Dépénalisation du cannabis au Brésil et justice sociale
L’absence de distinction claire entre l’usage personnel et le trafic a, par le passé entraîné des abus et une surcharge du système pénal. Malgré la loi promulguée en 2006, la police brésilienne a continué à arrêter des personnes pour possession de petites quantités et à les accuser de trafic de drogue, ce qui a surchargé le système pénitentiaire brésilien.
“La majorité des détenus étaient des personnes sans antécédents criminels, arrêtés en possession de petites quantités de drogue, sans arme et sans élément attestant de leur appartenance au crime organisé” a déclaré Ilona Szabó, présidente de l’Institut Igarapé, une organisation qui œuvre pour la sécurité publique.
En plus de l’inégalité sociale de ces mesures désormais révolues, il faut également faire état d’un problème racial. Les prisons brésiliennes sont saturées et la proportion de détenus noirs y soit disproportionnellement élevée (les deux tiers de la population carcérale).
Une étude récente menée par Insper (une université privée située près du nouveau centre d’affaires de São Paulo) a révélé que les personnes noires arrêtées par la police pour possession de drogue avaient plus de chances d’être accusées de trafic que les personnes blanches. Les chercheurs ont analysé quelques 3,5 millions de dossiers du secrétariat à la sécurité publique de São Paulo de 2010 à 2020 pour réaliser cette étude.
Légalisation totale du cannabis au Brésil : obstacles et oppositions
Malgré ce revirement dans sa politique sur les drogues, l’opposition politique et sociale à la légalisation du cannabis à usage récréatif reste forte au Brésil. Comme dans d’autres pays comme l’Allemagne ou la Thaïlande, la légalisation progresse à grands pas, mais ailleurs, comme au Brésil ou en Espagne, il semble que la vague réglementaire internationale ait du mal à arriver.
En témoignent les organisations conservatrices qui ont prétendu que la mesure visant à dépénaliser la possession de cannabis à usage personnel serait anticonstitutionnelle : “une dépénalisation ne peut se faire que par voie législative, et non par une décision judiciaire”, a déclaré le président du Sénat brésilien, Rodrigo Pacheco.
Malgré tout, l’arrêt de la Cour suprême fédérale apporte un vent d’espoir vers un avenir plus vert et une politique des drogues plus équitable. Pour l’instant, il faut attendre pour voir comment les choses évoluent. Mais, si cette tendance se poursuit, 2024 pourrait marquer un tournant dans l’histoire du cannabis au Brésil.
Avec un marché médical en pleine croissance et une dépénalisation du cannabis récréatif pour usage personnel, il se pourrait que dans quelques années, le Brésil rejoigne la longue liste des pays ayant opté pour la légalisation complète du cannabis.
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